Le Girl Power est un mouvement culturel des années 90, inspiré du féminisme de la troisième vague et popularisé par des chanteuses pop anglo-saxonne comme Britney Spears, les Spice Girls, Madonna, les Destiny’s Child, ou encore Beyoncé. Initialement en lien avec le mouvement des Riot grrrl dont la figure principale fut Kathleen Hanna, le Girl Power prône la tolérance, le respect et l’égalité des sexes. Mais plus encore, les filles jouent délibérément ce qu’on leur reproche d’être. Le Girl Power propose alors de s’emparer des clichés sexistes attribués aux femmes et d’en faire une force, c’est l’association du sexy et du pouvoir. 

La naissance du Girl Power

Le Girl Power s’accompagne également du phénomène Girly ; le terme désigne une mode apparu au début des années 2000. Celle du tout rose, des strass, des paillettes, de la fausse fourrure et des jupes. Cela correspond également à une attitude que Katelle Pouliquen décrit ainsi : « Too young for boys, too old for toys ». Le mouvement Girly se retrouve alors dans divers domaines : les séries télévisées, le cinéma, la musique, la mode, la littérature, le divertissement ou les blogs.

Si l’on devait ne citer qu’un groupe ayant marqué les années 2000 et le mouvement Girl Power, il s’agirait certainement des Spice Girls. Formé en 1994 par cinq chanteuses et danseuses anglaises : Victoria Beckham, Melanie Chisholm, Melanie Brown, Geri Halliwell et Emma Bunton. En 1995, elles décrochent un premier contrat avec Virgin Records et enregistrent leur premier single Wannabe (1996). Avec ce titre, elles se classent en tête des ventes dans plus de trente-cinq pays. Groupe phare des années 90, les succès s’enchaînent et les Spice Girls construisent alors un empire. Entre tournées mondiales, films de cinéma (Spice World) et multiples produits dérivés elles déclenchent un phénomène de mode :  la « Spice Mania ». 

En parallèle le cinéma, s’empare également du Girl Power et l’exploite au point d’en faire un atout marketing. On voit fleurir des films tels que La revanche d’une blonde (2001), Lolita malgré moi (2004) ou des séries comme Veronica Mars (2004) qui sont de réels succès. Aujourd’hui encore, ces films et séries sont symptomatiques de la génération 2000 et représentatifs de la mode de l’époque. Mettant en scène des femmes habillées tout en rose et combattant les clichés auxquels elles sont soumises, ces films mettent en avant une nouvelle forme de féminisme où la femme est libre d’être qui elle veut, de faire ce qu’elle veut malgré les carcans que l’on veut lui imposer. Ces films proposent une forme d’espoir face aux droits des femmes mais on ne peut exclure leur dimension commerciale : et si le Girl Power n’était qu’un phénomène de mode faisant rêver les petites filles et bander les hommes ? 

Les années 2000

Cette période c’est celle de la génération Y, une génération qui naît avec internet, qui n’a pas connu la transition sociale de la Génération X et qui n’imagine pas encore les attentats de 2001. Pleine d’espoir face au nouveau millénaire et aux nouvelles technologies, la jeunesse a davantage confiance en l’avenir que lors des décennies précédentes. Elle y voit une chance de faire évoluer la société sur des points qu’elle juge important, le féminisme notamment. Si internet existe, cela reste encore un phénomène positif et nouveau que l’on ne maîtrise pas entièrement et qui ne régit pas encore les vies de chacun. Les années 2000, ce sont les années de l’expérience, où la peur du ridicule n’existe pas. C’est l’expérience avant le grand saut dans le nouveau millénaire. Si la génération 2000 est peu politisée, elle est extravagante, provocatrice et n’hésite pas à se faire remarquer. Chacun se montre et dans un monde où la culture du “moi” commence tout juste à se développer, internet va devenir l’outil parfait. L’image devient primordiale et c’est ce qui laissera la place plus tard, aux émissions de télé-réalité. 

Si le monde traversait une certaine crise économique à l’issue de la guerre froide, le nouveau millénaire est une promesse de renouveau largement entachée par les attentats du 11 septembre 2001. D’un côté la musique a une réaction épidermique au monde capitaliste, au racisme et aux inégalités d’où le déploiement du rap, des raves, ou des free party. D’un autre, le cinéma n’hésite pas à proposer un monde idéalisé, gai, léger et joyeux. En effet dans le cinéma, c’est l’avènement des séries télévisées, fantasme d’un monde facile et beau. On pense par exemple à Gilmore Girls, série diffusée entre 2000 et 2007 où le « feel good » est de mise. Ou encore à Lizzie McGuire et Phénomène Raven, séries fictives, loin des réalités de la société américaine. Dans ces sitcoms, les problèmes se règlent facilement et les rires en fond ajoutent aux évènements un côté jovial et détendu. Ces séries présentent un monde idéalisé, fantasmé et positif. Même les séries Friends ou Malcolm, supposées rendre compte de la réalité de la vie en colocation ou en famille, montrent des problèmes facilement gérables et souvent tournés en dérision. Finalement tout ce cinéma (si j’ose dire) se joue hors du temps, il est largement en décalage avec la société contemporaine, en proie à des difficultés économiques ou à des attaques terroristes. D’une certaine manière le cinéma évince les réalités et continue de promouvoir un monde déréalisé qui donne à la jeunesse des rêves et lui fait croire à un monde léger. C’est peut-être là que réside une des difficultés des millenials : intégrer que le monde de tous les jours n’est pas celui des films… 

Si l’on observe les années 2000 comme une période de lâcher prise, où la femme s’assume complètement, le meilleur exemple est sans doute celui de Paris Hilton. Blonde, jupe rose, strass, paillettes, chihuahua au bras et lunettes mouches, Paris Hilton est l’icône mode d’une époque où la femme se joue des injonctions qu’elle subit, se les approprie et va jusqu’à les assumer dans un élan de liberté totale. On retrouve ici le style Girly et ses revendications. Paris Hilton se fait d’abord remarquer dans l’émission de télé-réalité The Simple Life qui met en scène 5 jet-setteuses. Mais plus que la jet-set, les années 2000, c’est l’avènement du VIP et des peoples recouvrant alors une dimension de célébrité. Peu de temps après, c’est sa sex-tape « 1 night in Paris« , avec le réalisateur Rick Salomon son petit copain de l’époque, qui la rendra célèbre. Avec ce début de notoriété, Paris Hilton construit un personnage, une image, celle de la femme bonbon, à la voix nasillarde et toujours accompagné de son chihuahua. Image qui devient sa marque de fabrique et qu’elle va même jusqu’à commercialiser. Paris Hilton c’est la bimbo qui a fait de sa sex-tape une force et une revendication au même titre que Kim Kardashian quelques années plus tard. 

Internet

Si l’avènement d’internet et sa popularisation favorisent indéniablement le processus de commercialisation d’images, les tabloïds viendront renforcer ce phénomène de mode. Les sex-tapes sont diffusées et circulent en ligne, la notoriété devient alors virale. Bien avant de pouvoir et de savoir contrôler leur image comme tentent de le faire nos stars d’aujourd’hui, les peoples des années 2000 se montrent sous tous leurs angles et affichent leurs relations sexuelles et personnelles. Le début d’internet et son non-contrôle font naître l’idée d’une toute puissance et peu à peu l’image prend une place importante dans la société. La génération Y n’hésite pas à se faire remarquer et à provoquer tant qu’elle est vue. Une forme de culture du « moi » se développe et s’installe. Pour provoquer, la sexualité et l’intimité des femmes sont bien souvent le cœur des sujets de magazine people. On fait croire à la population qu’elle rêve de savoir avec qui couche Paris Hilton et à Paris Hilton que le monde rêve de savoir avec qui elle couche. Internet permettant à tous d’avoir accès à la vie privée de tout un chacun de façon de plus en plus rapide et le ridicule n’étant pas un problème, la société devient avide de ce genre de contenu et naît alors la télé-réalité. 

La télé-réalité

La télé-réalité se développe d’abord aux États-Unis. Tout nouveau genre télévisuel dans les années 2000, elle met en scène des anonymes où des célébrités au travers d’un feuilleton. Si la première télé-réalité date en fait de 1971 (An American Family) ce n’est que dans les années 2000 que le phénomène devient une mode. En France on pense notamment au succès de Loft Story en 2001 produit par Endemol. Différents concepts émergent, celui du jeu, de l’expérience, de la compétition mais aussi de l’enfermement (on pense à Secret Story par exemple). Véritable succès qui propose aux téléspectateurs d’observer les réactions de personnes enfermées ensemble, sans accès au monde extérieur et ce durant plusieurs mois. D’une certaine manière, la télé-réalité favorise cet intérêt certain, qui avait déjà commencé à se développer à la fin des années 90, pour l’intime et le provocant. Elle met en avant des vedettes que le système médiatique essore littéralement. On pense à Loana, anonyme en entrant dans Loft Story et véritable star à la sortie. La télé-réalité devient un outil commercial, augmentant encore et toujours les audiences mais aussi et surtout une machine à fabriquer des stars éphémères qui consacrent leur intimité, leur sexualité à l’image et à la télévision. La télé-réalité a continué à fabriquer des personnages, comme l’avait déjà fait Paris Hilton ou Kim Kardashian, personnages largement rémunérés pour partir en vacances et s’aimer le temps d’une séquence. Mais la télé-réalité a également joué de la fragilité d’une génération perdue entre la réalité d’un monde toujours plus capitaliste et mercantile et celle qu’elle met en scène et promeut au cinéma. 

Christian Chavagneux décrit la télé-réalité ainsi : « Individualiste, le capitalisme l’est indéniablement dans le monde du chacun pour soi qu’il promeut. Il l’est dans le déballage cathodique de la banalité de la petite vie de chacun par la télé-réalité, dans l’ultramédiatisation de quelques vedettes sportives ou artistiques, utilisées pour « vendre du temps de cerveau humain disponible » aux multinationales. ».

Finalement, si le cinéma et les séries des années 2000 proposaient un contenu déréalisé, la télé-réalité d’aujourd’hui pousse ce mécanisme à son paroxysme en mettant en scène le clash, la provocation, les conflits, l’argent et le sexe. Ces valeurs, autre fois largement critiquées dans les mouvements grunge et techno, sont devenues les revendications de la e-génération. Le lâcher-prise, même s’il est aujourd’hui souvent mis en scène, est devenu le maître mot dans un monde où les nouvelles technologies se sont développées à une vitesse fulgurante et de façon incontrôlable. Le nombre d’audiences et de vues sont devenues les buts ultimes d’une société de l’image et les premières libertés des années 2000 se sont exacerbées et exagérées au point de devenir, plus qu’un phénomène de mode, un modèle à suivre qui fait désormais rêver nos enfants.



2 réponses à « Comment la télé-réalité a-t-elle récupéré le Girl Power des années 90 ? »

  1. Avatar de Injonctions à la beauté féminine : histoire de tendances ou politique d’affaiblissement ? – Denise

    […] longs et manucurés… Les années 90 suivent le mouvement sous couvert d’un certain girl power et la sexualisation de la femme ne va pas en s’améliorant. C’est la période des […]

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    […] qui passe une grande partie de son temps dans un appartement et qui ne perd jamais le sourire. Si vous avez peur de la solitude et de la dépression, Chandler, Monica, Rachel, Phoebe, Joey et Ro…. Une seule question reste en suspens. Est ce que Rachel et Ross étaient en break quand il a […]

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