Cher Confinement, on va rester à la maison pendant un bout de temps. Maison, Maison ! Ça veut dire cuisine, cuisine ! Dans les placards et le frigo, il y a de la nourriture ! NOOON !!!!!!!!
Cette période, toutefois nécessaire pour ce qui relève de la santé nationale ne sera pas très évidente pour nos amis les boulimiques ! Ou pour notre papa « hyperphagique », ou pour notre petite sœur anorexique ! Ou encore pour notre amoureux d’amour atteint de plusieurs de ces troubles. Et oui, ceux qui souffrent de TCA sont partout, et c’est aussi peut-être nous.
Je leur disais « arrêtez-moi ! J’arrive pas à arrêter, j’y arrive pas »
Quand on pense « boulimique », on s’imagine – pour pas mal d’entre nous – cette fille trop skinny qui mange et remange pour ensuite se faire vomir. On peut tous l’être à un certain moment de notre vie, tout le monde ! Ce terme, tabou disons-le, permet d’indiquer plusieurs états boulimiques. En effet, il existe différents types de troubles du comportement alimentaire et certains restent très peu connus. Parfois, on se rend compte qu’un tout petit rien, une manie, une mauvaise habitude peuvent en être. Parle-t-on de trouble ou de maladie psychique d’ailleurs ? L’acte de se ronger les ongles et les peaux par exemple, peut-on les considérer comme tels ?
« Je suis en transe, en mode, je veux bouffer tout ce qu’il y a dans les placards, même le placard »
Les troubles du comportement alimentaire sont une condition de santé mentale qui se manifeste par une obsession incontrôlée et incontrôlable de ce qui peut être mâché puis ingéré. La personne qui en souffre entretient un rapport malsain à la nourriture. Il peut être la cause d’une angoisse souvent liée à l’apparence physique, au corps et au poids. Plusieurs facteurs doivent être néanmoins identifiés pour déterminer l’origine de ces troubles. C’est une forme compulsive de l’attitude alimentaire devenue une habitude qui progressivement s’aggrave tout comme l’état mental de la personne qui en souffre. Chaque individu est susceptible d’être touché par ces troubles, cependant la majeure partie des personnes concernées sont des jeunes femmes. Plus de 13 % de la jeunesse des pays d’Occident ne serait pas à l’abri de développer des troubles du comportement alimentaire, appelé eating disorder dans les pays anglophones ; et ce, jusqu’à l’âge de 20 ans. Les conséquences de cette pratique sont avant tout dangereuses pour la santé physique et mentale, entrainant la mort pour les cas les plus graves. En effet, les TCA sont les maladies mentales qui causent le plus de décès.
« Je m’arrête seulement quand j’ai envie de vomir, quand j’ai trop mangé »
On arrive à distinguer différents types de dysfonctionnements du comportement alimentaire. Il existe divers symptômes récurrents qui manifestent ces troubles. La restriction alimentaire est l’une des plus connues, la crise de boulimie quant à elle survient à un très court moment de la journée lors duquel la personne va ingérer une importante quantité d’aliments sans pouvoir se contrôler. Les actes de se faire vomir et d’abuser de laxatifs sont aussi très courants, comme celui de faire trop d’exercices pour éliminer. Les buts majeurs de ces comportements sont d’empêcher la prise de poids, de combler un manque ou d’étouffer une émotion ; il peut notamment s’agir d’un TOC qui relève d’un inconfort mental. Il paraitrait, selon plusieurs témoignages, que ces habitudes procurent une sensation d’euphorie, suivie d’un sentiment de culpabilité. Six de ces différents troubles sont à ce jour les plus reconnus :
L’anorexie mentale, que l’on peut appeler la perte du désir, désigne une restriction alimentaire plus ou moins élevée. La personne anorexique va avant tout priver son corps de nourriture, soit en mangeant très peu, soit en se faisant vomir, ou encore en crachant les aliments mâchés pour ne pas les avaler.
La boulimie nerveuse se distingue de la boulimie hyperphagique. Elle concerne les personnes qui subissent des crises de boulimie, donc l’absorption colossale de nourriture en un temps limité. Ce comportement est accompagné de vomissements presque aussitôt après la crise, dans le but de ne pas grossir ou pour soulager l’estomac. Ceux qui en sont atteints peuvent être tous différents, de par leur âge, leur sexe et leur corpulence, ainsi une personne boulimique qui se fait vomir peut être mince comme obèse.
Il en est de même pour l’hyperphagie. Les boulimiques hyperphagiques sont tout de même plus susceptibles d’être obèses ou en surpoids puisqu’ils n’ont recours à aucune pratique compensatoire ; ils ingèrent une grande quantité de nourriture sans avoir de contrôle sur eux-mêmes et ne s’arrêtent que lorsqu’ils ne peuvent plus rien avaler.
Le trouble PICA caractérise une période prolongée d’ingestion d’éléments non comestibles tels que le papier, la terre, le bois, les cheveux, les produits ménagers, etc. Ce trouble représente un danger pour la santé plus ou moins sérieux en fonction de la fréquence et de ce qui est avalé.
L’ARFID concerne les enfants, il s’agit d’une restriction alimentaire sérieuse où il faut à tout prix s’empêcher d’avaler de la nourriture.
Enfin, le syndrome de rumination, reconnu récemment, se caractérise par l’action d’avaler de la nourriture et de la régurgiter afin de la cracher, de la mâcher à nouveau puis de l’avaler encore. Courant chez les plus jeunes, cette habitude s’inscrit presque comme un automatisme.
La dépendance à la nourriture peut être également considérée comme un trouble alimentaire. Cependant, cela reste moins grave puisque la personne dépendante ne ressent généralement pas de culpabilité. Elle mange pour se faire plaisir, et ne cherche pas non plus à compenser cette grande ingestion d’aliments. En revanche, le manque de contrôle de soi est toujours présent.
« Après je me sens mal, je me sens coupable, je me trouve énorme, j’ai envie de retourner en arrière »
Les causes qui déclenchent les troubles du comportement alimentaire sont multiples. En effet, tout dépend de plusieurs facteurs : la personnalité, la qualité de vie de la personne, le milieu dans lequel elle vit et évolue, les influences extérieures de tout type, ainsi que son état mental. Selon des études menées sur le comportement social, la génétique s’inscrit comme facteur déterminant. Quant à la personnalité et l’état d’esprit, on reconnait ceux qui ont une faible estime de soi, un sentiment de culpabilité et de frustration générale. On peut compter notamment les personnes ayant des tendances au perfectionnisme, à la névrose et à l’impulsivité. Toutefois, on ne peut parvenir à faire une liste exhaustive et factuelle qui permettrait de cibler toutes les causes. La pression sociale est l’une de celle que l’on ne peut pas ignorer. Le terme « pression » renvoie ici à un modèle commun d’une société, on parle alors de tendances socio-culturelles. L’influence des médias et le culte de l’apparence intensifie la volonté de chacun de correspondre aux normes des magazines de mode, de sport et de beauté, qui font l’usage entre autre de Photoshop. La sélection lors de castings pour le cinéma ou la télévision, les campagnes publicitaires, la popularité des protéines et compléments alimentaires puis, pour finir, le manque de diversité dans la représentation des corps et des apparences physiques participent donc à cette pression. À ce titre, on remarque sur nos écrans que les personnes considérées comme moins belles, pas assez minces ni assez « stylées » incarnent régulièrement des rôles de faire-valoir ou de personnages comiques. Cela concerne avant tout les sociétés occidentales ; certains TCA sont quasi inexistants au sein des cultures n’ayant pas été influencées par l’idéal de la minceur, ni aux conventions de la beauté imposées chez nous. Cependant, l’organisation américaine NEDA (Association nationale des troubles des comportements alimentaires) a récemment décrété que les différences biologiques et de structures cérébrales de chaque individu représentent également un facteur dans le développement de ces troubles.
« J’ai honte d’en parler […] quand je commence à tout manger, surtout des trucs que personne d’autre ne mangerait, je le fais en cachette »
Finalement, on peut remarquer que beaucoup de personnes sont touchées par un ou plusieurs troubles du comportement alimentaire, surtout au sein de notre société. Cette condition reste taboue car elle révèle une fragilité mentale chez l’individu et met en avant les difficultés dans son rapport à lui-même et à son image. Il n’existe pas de stéréotype de personne atteinte de TCA. La qualité de vie et la santé mentale sont mises à l’épreuve, de manière constante mais aussi sur le long terme. Néanmoins, cette maladie n’est pas invincible. En parler est un premier pas. La lutte contre les maladies du comportement alimentaire est un long cheminement. L’entourage, les suivis thérapeutiques, les associations et les lignes d’écoute téléphoniques sont une aide et peuvent accompagner la personne souffrante dans sa quête de guérison. Il devient nécessaire de s’interroger, de s’écouter et de prendre du temps pour soi afin d’éclaircir les zones d’ombres qui sont à l’origine de ces troubles.
« Je sais que je suis mince, j’ai pas de gros défauts et tout… Mais quand je mange comme ça, je me sens grosse. »
Pensez-vous alors que les troubles du comportement alimentaire sont l’une des conséquences due à la pression qu’impose la société sur ce à quoi nous devrions ressembler ? Cela vous semble-t-il évident ? Mais encore, seriez-vous capables de reconnaître une personne qui en souffre, même s’il s’agissait de vous ? Auriez-vous honte ? Enfin, devrait-on accorder du crédit à cette maladie mentale ?
